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 Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ?

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AMICTVS
Cos II des III
Cos II des III



Age : 74
Date d'inscription : 26/12/2014

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MessageSujet: Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ?   Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ? Icon_minitimeSam 9 Juin 2018 - 13:41


1. Trois documents sont, directement ou indirectement, relatifs à Nigrinien. Ils ne peuvent suffire à établir de certitude mais permettent d’étayer quelques hypothèses.
a). Une inscription (CIL, VI, 31380) découverte à Rome, confirmant qu’il était le petit-fils divinisé de Carus : DIVO/NIGRINIANO/NEPOTI CARI/GEMINIUS FESTUS/V(IR) [P(ERFECTISSIMUS)]/RATIONALIS.

Cette inscription a été érigée par Geminius Festus, ‘rationalis’, un haut fonctionnaire, membre de l’ordre équestre, chargé des finances. Le caractère inhabituel du texte (absence des ‘tria nomina’ de Carus, de ses titres, de sa divinisation, absence du nom des parents et de toute formule finale) contraste avec une autre inscription dédiée par le même Geminius Festus (CIL, VI, 31384) en l’honneur de Maximien Auguste, après avril 286, d’une rédaction très classique.

b). Plusieurs séries de monnaies de consécration (‘aurei’ et ‘aureliani’) frappées uniquement à Rome (1ére officine) au cours des dernières émissions du règne de Carin, à la fin de 284 et au début de 285 (RIC: 471, 472, 474). De façon remarquable certains des ‘aureliani’ -tous au revers à l’aigle et marqués KAA- comportent à l’avers un buste nu héroïque - épaules et poitrine visibles-.

c). Un passage de l’Histoire Auguste (Car. XVI, 7) fait mention de la vie familiale de Carin qui aurait contracté neuf mariages : ‘uxores ducendo ac reiciendo novem duxit pulsisque praegnantibus’. Ce trait de polémique traditionnel se réfère possiblement, en fait, à l’existence de plusieurs (deux suffisent) mariages de Carin dont un est documenté: celui avec Magnia Urbica, intervenu au cours de son règne, en juin 283.

2. Chacun de ces éléments contribue à préciser un peu la personnalité de Nigrinien et son entourage.

a). Le buste héroïque des monnaies semble indiquer que Nigrinien était à la veille de revêtir la toge prétexte, première étape d’un début dans la vie publique d’un futur élément actif de la dynastie de Carus. Cela explique le geste politique de Carin: divinisation et association au monnayage posthume des Augustes divinisés Carus et Numérien. Dans ces conditions Nigrinien devait être proche de l’âge de sept ans lors de son décès en 284 et il est donc difficile de le considérer comme le fils de Magnia Urbica.

b). En retenant du passage de l’Histoire Auguste (SHA, Car. XVI,7) la mention de plusieurs mariages de Carin il est possible d’envisager un mariage antérieur à celui avec Magnia Urbica. Carin, le fils aîné de Carus, étant né vers 249, peut s’être marié au milieu des années 270. Et son père poursuivant une brillante carrière dans l’entourage de Probus, Carin aurait épousé une femme faisant partie de la famille d’un compagnon de son père, provenant donc du même groupe social de la haute administration -ordre équestre- et possiblement lui aussi originaire de la région de Gaule Narbonnaise. Le couple -le nom de cette épouse de Carin reste inconnu- a eu un garçon nommé Nigrinien avant la fin des années 270. C’est probablement, ensuite, lors de la carrière impériale de Carin, que son mariage politique avec Magnia Urbica a pu prêter à controverse et servir à la polémique. Le monnayage de Magnia Urbica, notamment le revers VENUS GENETRIX utilisé à Lyon et à Siscia fait penser que le couple impérial a eu un enfant, dont le nom et le sort sont inconnus.

c). Enfin l’inscription de Geminius Festus permet de préciser l’entourage familial de Nigrinien. Les anomalies déjà relevées dans cette inscription font supposer un lien privilégié du dédicant avec trois des membres de la maison impériale de ‘Carus et sui’.

La titulature de Carus sans ses titres impériaux (Auguste, Parthique, Divin…) correspond à deux considérations. D’une part ne faire référence à Carus que pour la période précédant son accession au pouvoir impérial et donc moins ‘condamnable’, et aussi surtout à celle du compagnonnage – sans exclure, le nom de Festus étant relativement fréquent en Narbonnaise, une origine gauloise commune du ‘rationalis’ et de Carus-, au sein de l’ordre équestre dans l’entourage des ‘empereurs illyriens’. Cette concession rédactionnelle qu’un familier de la famille impériale, redevenu simple particulier après la chute de la dynastie, pouvait publiquement admettre, visait d’autre part à se conformer aux contraintes politiques résultant de la disparition de Carin limitant, à l’évidence, les possibilités d’hommage au divin Nigrinien, son fils.
L’absence du nom des parents, et notamment du père de Nigrinien, s’explique aussi par des raisons politiques liées à la défaite et la mort de Carin et la ‘damnatio memoriae’ qui a suivi. Il n’est pas exclu, en outre, que les relations personnelles entre Carin et Geminius Festus se soient dégradées du fait du second mariage de Carin avec Magnia Urbica. Cela ferait de Geminius Festus un des ‘viri lectissimi’, laissés en occident par Carus pour conseiller son fils aîné, ayant éprouvé des difficultés avec Carin, mais dont la carrière a pu, de ce fait, se poursuivre un temps sous la Dyarchie.

La dédicace du ‘rationalis’ à la mémoire de Nigrinien, jeune prince défunt d’une dynastie déchue, dépasse visiblement la simple obligation institutionnelle d’un haut fonctionnaire. Plus qu’un hommage officiel rendu dans la dernière période du règne de Carin, dont le contenu serait alors très étrange, il s’agit d’un hommage personnel exprimé dans le contexte plus délicat postérieur à la chute de la dynastie. Le risque assumé peut s’expliquer par le fait que Geminius Festus, ayant assuré la poursuite de sa carrière de ‘rationalis’ après la chute de Carin, a souhaité rendre hommage à son petit-fils et, indirectement, à Carus, l’autre grand père de Nigrinien. La contrepartie a été la formulation anormale de la dédicace.

L’inscription parallèle à Maximien Auguste (CIL VI, 31384) qui date au plus tôt d’avril 286 permettrait, en effet, de situer l’inscription dédiée à Nigrinien au cours de l’année 286. L’inscription en l’honneur de Maximien de formulation classique révèle cependant, du fait de l’absence de mention de Dioclétien, que le système Dyarchique est encore à ses débuts, tel que compris par un haut fonctionnaire demeuré dans la partie occidentale de l’Empire lors de la campagne militaire orientale de Carus et Numérien et dépendant donc désormais directement de Maximien. Des sentiments très mitigés à l’égard de Dioclétien, directement ou indirectement, responsable de la disparition de plusieurs membres de la dynastie de ‘Carus et sui’ à laquelle Geminius Festus était lié, sont, en outre, fort possibles.

Finalement, si Nigrinien est considéré comme le fils légitime de Carin et d’une inconnue, épousée plusieurs années avant son accession au pouvoir, il est normal qu’en tant que membre de la famille impériale et potentiel associé au pouvoir il ait été déifié après sa mort à l’automne 284. La situation après la chute de Carin a rendu difficile pour un haut fonctionnaire de faire montre de son affection personnelle à l’égard d’un membre de la dynastie déchue sans déplaire aux nouveaux maîtres du pouvoir. Geminius Festus, le second grand-père de Nigrinien, y a réussi, poursuivant sa carrière sous la Dyarchie, mais probablement au prix de la formulation singulière de la dédicace en hommage à Nigrinien et indirectement à Carus, et d’une allégeance à Maximien dès son avènement, apurant ainsi dignement ses relations avec la maison impériale précédente.

Une inscription de caractère personnel et privé pour le passé et une inscription de nature politique pour le futur, soit un ‘geminus titulus’, toutes deux dédiées par Geminius Festus dans un comportement très romain, à l’image de Janus.

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BRUTUS
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BRUTUS


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MessageSujet: Re: Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ?   Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ? Icon_minitimeSam 9 Juin 2018 - 16:37

Merci de cette très intéressante étude sur les origines de Nigrinien , et de cette possible explication de la forme inhabituelle  de la dédicace ...!! bienvenue :

_________________
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MessageSujet: Re: Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ?   Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ? Icon_minitimeJeu 14 Juin 2018 - 6:07

Intéressantes réflexions sur la légitimité de Nigrinien. Les découvertes de nouvelles scripta pourront peut-être lever le voile sur ce pan inconnu de l'histoire romaine. super1
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Uzes
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MessageSujet: Re: Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ?   Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ? Icon_minitimeSam 30 Juin 2018 - 11:27

C’est intéressant, merci!

Je ne sais pas si tu l’as lu, mais à partir de ces maigres éléments (1 mention épigraphique et le monnayage) Sylviane ESTIOT dans un appendice à son article sur « l’atelier de Ticinum sous le règne de Carus et ses fils » paru dans la Revue Numismatique de 2017, en tire d’autres conclusions:

La divinisation de Nigrinien daterait du vivant de Carus, ce qui expliquerait l’absence de la mention divus concernant Carus sur l’inscription romaine, qui se placerait donc avant l’été 283. (On pourrait se demander dans ce cas pourquoi on ne connaît aucune frappe de consecratio sous le règne de Carus?)

Concernant ce monnayage posthume, les frappes courraient sur deux émissions, la première commençant conjointement à celles des Divo Caro (automne 283/fin 284), la seconde sous Carin seul auguste, après la mort de Numérien, avec les Divo Numeriano et Divo Caro Pers(ico). Je ne sais pas comment elle parvient à classer une de ces émissions si tôt, car les exergues pour les Divo Numeriano, KAA, KA croissant A, ou KA croissant pointé A, sont les mêmes que ceux qu’on trouve pour Nigrinien divinisé.

Elle rappelle aussi que les traditions à Rome interdisaient le deuil, (et a fortiori la divinisation) d’un enfant mort avant l’âge de 3 ans, un argument de plus pour abandonner l’hypothèse de Nigrinien fils de Magnia Urbica.
Pour elle, il serait soit le fils de Carin, né d’un premier lit, soit de Numérien et de la fille du préfet du prétoire Aper, impliqué plus tard dans son assassinat (?), un mariage qui pourrait avoir eu lieu avant l’augustat de Carus, soit le fils de Paulina, fille de Carus et « sœur du César Carin » dont l’existence est attestée par une inscription égyptienne retrouvée à Denderah, ce qui expliquerait que le père ne soit pas mentionné sur la dédicace du rationalis Festus.
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AMICTVS
Cos II des III
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MessageSujet: Re: Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ?   Qui était l'autre grand-père de Nigrinien ? Icon_minitimeSam 14 Juil 2018 - 18:54

Merci pour vos commentaires.
.
1. Sur la filiation de Nigrinien. Effectivement, compte tenu de la documentation actuellement disponible toutes les hypothèses restent possibles. En fait il s’agissait, principalement, d’étayer l’hypothèse la plus probable par rapport à celles qui le sont moins. Celle qui fait de Nigrinien le fils de Carinus, issu d’un premier mariage, mort à l’automne 284, à l’âge de sept ans environ, ‘coche le plus de cases’, en cohérence avec l’inscription romaine de Festus, le monnayage romain de la fin du règne de Carin et le passage de l’Histoire Auguste relatif à sa vie familiale.

L’identification du ‘rationalis’ Geminius Festus comme compagnon et ‘pays’ de Carus, beau-père de Carinus et grand-père de Nigrinien vient en appui de cette hypothèse et complète la composition de la partie de la famille impériale restée dans la zone occidentale de l’empire lors de l’expédition orientale de Carus et Numérien. Pour celui-ci les sources antiques révèlent seulement que l’un des préfets du prétoire, Aper, était son beau-père mais rien n’indique une paternité. Quant à Pauline une inscription isolée -d’une lecture difficile et peut-être incertaine- mentionne son existence; sans autres éléments son mariage et une maternité ne sont que des conjectures.

2. Sur Geminius Festus Il est possible de présumer l’influence du compagnon et ‘pays’ de Carus, beau-père de Carinus et grand-père de Nigrinien dans la composition particulièrement pertinente et réactive, du monnayage des ‘aureliani’ des ateliers occidentaux en 283 et au début de 284. Cela s’explique sans doute par ses qualités administratives de ‘rationalis’ qui lui ont permis de continuer sa carrière sous la Dyarchie mais aussi par sa position de compagnon de Carus et parent de la famille impériale.

A Rome, les changements institutionnels et dynastiques de l’année 283 (promotions de Carin puis de Numérien, décès de Carus, rangs protocolaires respectifs lors du début du règne conjoint) sont rapidement intégrés dans les diverses phases de la longue émission KAA-Z. Celles-ci sont reconnaissables grâce aux revers spécifiques des nouveaux Augustes (VIRTVTI AVGG), à l’alternance de leurs légendes avec et sans P(ius) F(elix) et aux types des bustes principaux attribués à chacun d’eux.

Après la mort de Carus, à l’été 283, pour les monnaies de consécration le choix des épithètes de Carus divinisé est pertinent par rapport aux éléments à mettre en valeur dans les provinces alimentées en numéraire par les divers ateliers: à Lyon, dans sa région d’origine il est ‘Pius’, à Siscia il est ‘Parthicus’, dans la zone des légions danubiennes fidèles au souvenir des exploits sévèriens.

Il est également possible de voir son influence lors des frappes de Ticinum, au printemps 283, dans l’utilisation de revers très spécifiques, notamment par les officines trois (FORTVNA REDVX-T), quatre (VICTORIA AVG-Q) pour Carin, cinq (SECVRIT AVG-V) et six (ROMAE AETERN-VI) pour Numérien, dont certains comportent la légende au singulier AVG (et non AVGG). C’est une personnalisation des légendes de revers utilisées pour les nouveaux Augustes, Carin et Numérien, qui permet d’évoquer et d’attribuer, au sein d’un ensemble qui reste cohérent et collégial, à chacun d’eux ses mérites propres en relation avec leurs activités respectives. Cela vaut aussi pour Carus à la tête de l’expédition orientale (FIDES MILIT-P) et la nouvelle Augusta Magnia Urbica (VENVS VICTRIX-S) tout juste épousée. Une possible initiative du ‘rationalis’ Festus, apparenté à la famille impériale, de mise en perspective pour ‘Carus et sui’ des événements institutionnels (promotions à l’augustat), dynastiques (mariage) et militaires (campagnes victorieuses sur le ‘limes’ et en Orient) les plus récents.

Ce schéma sera repris, ‘mutatis mutandis’, à Siscia, avec un contenu politique très explicite de restauration dynastique et institutionnelle lors de l’émission S(acra)M(oneta)S(isciensis) XXIA à la fin l’automne 283-début 284 après la chute de Julien de Pannonie, avec notamment un revers commun aux deux Augustes (VOTA PVBLICA) célébrant spécialement les vœux publics de janvier 284 après la fin de l’usurpation.

3. Sur la chronologie. Reporter à 283 la mort de Nigrinien n’explique pas les diverses anomalies de la dédicace de Festus. Une autorité impériale (Carus ou Carin) a dû présider à la déification de Nigrinien et, au minimum, ses tria nomina et le titre d’Auguste (ou de Divus pour Carus après l’été 283) devraient donc figurer dans le texte, sauf totale impossibilité. De façon plus générale, dissocier décès et cessation des frappes appropriées, décès et déification (ou déification et frappes posthumes) d’un membre de la famille impériale, au cours du règne d’une même dynastie, introduit un élément qui, si aucune raison particulière ne peut être avancée, pourrait se révéler artificiel. Dans le cas de Nigrinien cela impliquerait d’étaler sur plus de dix-huit mois les frappes monétaires de Rome en son honneur. En conséquence, elles commenceraient presque au début de la longue émission marquée KAA-Z, quasiment simultanément et en parallèle avec les frappes posthumes de Carus. Elles se termineraient avec les diverses séries KA-Z avec un croissant (pointé ou non) au début 285. En fait, les apparences sont plutôt celles de frappes pour Nigrinien limitées et concentrées à la fin du règne de Carin seul empereur, lors de la dernière phase de l’émission KAA (fin 284) et poursuivies au premier trimestre 285.
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